Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

assise, comme une idole barbare, nimbée de rouge sombre et de violet, dans le couchant austral. Et là-bas se levait, pour venir au-devant de lui, dans l’aube grise du ciel cimmérien, l’amie inoubliable, souriant de ses yeux tristes.

Il décida de quitter la case où il ressassait inutilement des impressions abolies et de s’installer à l’hôtel. Ce lui fut comme une transition vers la vie d’Europe. Dans cet hôtel, pareil à un confortable café de province, il s’étonnait presque de voir les clients en dolmans de toile blanche et en casque colonial ; pas d’autres Malgaches que les boys discrets, en blanc, jambes nues. Aux repas, les tables de pensionnaires l’amusaient ; près de lui, des jeunes gens, fonctionnaires à leurs débuts, daubaient contre le Gouverneur Général et sa manière d’administrer la colonie, parlaient avancement ou service, Ils n’épargnaient guère leurs chefs, encore moins les femmes mariées de la société tananarivienne. Leur conversation s’élevait rarement au-dessus des sports, des potins de bureau, des ramatous. De l’autre côté, une table de colons et d’entrepreneurs, sympathiques à Saldagne, vêtus sans aucune recherche, les poches bourrées de calepins, d’échantillons, de mètres : ils causaient, et sur tout, très divers d’avis, mais discutant ; gens actifs et énergiques, tendus dans la volonté d’arriver vite, ils faisaient bien augurer de l’avenir des affaires dans une colonie jeune.

Pour son dernier soir de Tananarive, Claude, en attendant Desroches et Romain qui devaient