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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE


Un jour, il rentrait chez lui à pied, plus tôt que d’habitude, vers quatre heures, par le quartier d’Ambanidie, à l’est de Tananarive. Très peu d’Européens habitaient là ; les cases malgaches s’y serraient les unes contre les autres, en un désordre pittoresque. La vie indigène grouillante étalait en pleine rue ses joies et ses misères. Des malades assis contre le mur des maisons, les jambes allongées, se chauffaient au grand soleil guérisseur. Des femmes, étendues à plat ventre, appuyées sur les coudes, livraient à des amies leurs tignasses ébouriffées à tresser en petites nattes régulières ; d’autres cherchaient tes parasites dans la chevelure de leurs rejetons impatients. Le bruit sourd des pilons à riz, retombant dans les mortiers de bois, retentissait à l’intérieur des cases. Le soleil faisait ruisseler sa lumière, épandait sa joie. Des linges de couleur douteuse séchaient à presque toutes les fenêtres, sur les murs rouges et jusque sur le revêtement des tombeaux. Des idylles s’ébauchaient : dans une encoignure, une petite Imérinienne d’une douzaine d’années, appuyée au tronc noueux d’un lilas de Perse, fixait obstinément le bord de son lamba, que tirait doucement un garçon de quinze ans, debout près d’elle. Un chat famélique suivait pas à pas un gosse qui mangeait un gâteau de riz tout doré. Puis une école se vida : un flot d’enfants roula dans la rue, le silence fut interrompu par des cris, des rires,