Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

bois de la varangue, une forme blanche était accoudée. Claude avait complètement oublié Razane, dans les affres de la dernière partie de la nuit. De la voir, il fut presque étonné. Il se dit qu’il aurait dû la prévenir, par un mot, du motif de sa longue absence ; inquiète sans doute, elle s’était forgé de folles images. Il alla vers elle avec un geste de tendresse émue, mais s’arrêta devant son attitude. Elle restait accoudée, tournait simplement la tête de son côté, la figure mauvaise, ses yeux noirs chargés de rancune. Soudain elle se dressa et dit très bas d’un ton coupant :

— Où es-tu allé ? Le bal était fini à cinq heures. Où es-tu allé, Raclaude ?

Saldagne comprit. Elle le soupçonnait d’avoir terminé sa nuit en quelque mauvais lieu, non pas jalouse probablement, mais furieuse, outrée à l’idée qu’il se détachait d’elle. Jamais il ne lui avait vu une telle expression froide et méchante, du moins à son égard. Dans sa fureur, elle ne trouvait pas en français, les phrases qu’elle aurait voulu lui dire. Elle murmura quelques mots en malgache, puis, pour une fois, impuissante à se maîtriser, folle de rage devant le silence surpris du vazâha, qu’elle prenait pour un ironique aveu, elle fit un pas vers lui et lui jeta à la face ce seul mot :

— Cochon !

Elle prononçait coçon, d’une petite voix claire, sifflante et froide.

Claude éprouva presque une satisfaction à pouvoir, en cette minute, mépriser l’Iméri-