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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

tion un peu haletante de Berlier, au dehors le crissement monotone des grillons dans le jardin, et très loin, par intervalles, des bribes de musique, la fanfare des cuivres qui accompagnait là-bas, au Gouvernement Général, l’agitation joyeuse des Européens, cependant qu’en cette chambre agonisait un des leurs.

La nuit fut longue. Vint l’aube. Charton fit quelques recommandations à Saldagne et partit, annonçant son retour dans trois ou quatre heures.

Quand il revint, la situation n’avait pas changé, ou plutôt elle avait empiré, puisque le temps passait. Le docteur enjoignit à Claude de s’en aller à son tour quelques heures, de se reposer un instant ailleurs qu’en cette maison de tristesse.

Saldagne, docile, gagna les hauteurs d’Ambouhipoutse. Maintenant il ne pensait plus ; il était comme hébété. Toutes les impressions contradictoires de cette nuit se heurtaient dans ion cerveau, comme des feuilles mortes tourbillonnent en un carrefour : l’exaltation du bal, l’appel des voix du passé, l’apparition du fantôme de Marthe Villaret, son âme à lui s’arrachant au mirage imérinien, puis la revanche de l’heure présente, le billet de Ralinoure, les tristes visions de la maison d’Isourak. Il en éprouvait comme une douleur sourde, confuse et obsédante.

À Ambouhipoutse, tout semblait calme : les fleurs du jardin et les fenêtres de la case s’ouvraient au soleil joyeux. Sur la balustrade en