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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

récemment creusée. À droite une ligne régulière de verdure, dominée par des palmiers, marquait le tracé du canal d’eau douce, annonçait la fertilité du Delta Égyptien. À gauche, la terre d’Asie, vieille d’avoir porté si longtemps des hommes, développait sa chauve et stérile nudité. Le désert jaune et morne s’étendait, comme un océan de vagues sableuses, des confins de l’horizon oriental jusqu’à la chaîne Libyque, dont la haute muraille se dressait à l’Ouest, prolongement des falaises escarpées de la Mer Rouge, vraie limite de l’Afrique.

Ici rien, hors du navire, ne rappelait plus l’Europe. Si loin que pût s’égarer la pensée de Claude, vers l’Arabie ou vers l’Égypte, elle ne rencontrait que l’inconnu : les solitudes mystérieuses, pleines d’oasis, où s’était élaboré l’Islam, et, plus avant, par delà d’autres mers, le Toit-du-Monde, qui avait abrité l’enfance pastorale de l’Humanité, l’Inde figée dans l’immobilité de ses castes, et la Chine dans l’antiquité de sa civilisation, ou bien, de l’autre côté des monts libyques, le Nil, père des eaux, dont les rives avaient vu commencer l’histoire, puis, après les déserts, la forêt équatoriale, où végètent les peuplades sans nom. En cette contemplation s’abolissait aussi la hantise de l’Amour. Les très antiques philosophies ignorent la femme ou plutôt ne connaissent que la génitrice. Les religions phalliques de l’Inde, comme les rites orgiastiques des nègres, ne s’adressent qu’à l’animalité humaine. Les mythes de la Perse ou de l’Égypte sont mélanco-