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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Un bourjane vous demande, il dit que c’est pressé.

Étonné, Claude se dirigea vers le vestibule. Au vestiaire, un bourjane inconnu l’attendait et lui tendit une lettre : son nom était bien inscrit sur l’enveloppe, au crayon. Il eut un froncement de sourcils, un geste d’ennui. Il pensait à quelque incartade possible de Razane, L’enveloppe déchirée un peu nerveusement, il lut ces mots, écrits en grandes lignes inégales, d’um écriture maladroite et puérile :

« Raberlié malade de malade demande vous voir ; venir tout de suite ; j’ai peur qu’il va mourir »

« Ralinoure. »


Il se hâta de prendre son manteau, appela ses porteurs de filanzane et se fit conduire chez Berlier. Les bourjanes couraient et leurs pas sonnaient étrangement sur le sol desséché, dans le silence de la nuit. Soudain un chien aboya au passage de l’étranger, derrière une barrière.

Un autre, puis deux, puis trois lui répondirent dans le quartier, et, très loin, dans toutes les directions, d’autres abois éclatèrent. Après une minute, le vacarme s’apaisa. Seuls quelques jappements brefs retentissaient le long de la route, et, vers Isourak, un chien hurlait à la lune. Si dégagé qu’il fût de toute superstition, Claude ne put s’empêcher de se rappeler la croyance ancestrale du chien qui aboie à la mort ; au fond de lui-même, il repoussa l’absurde pensée, mais ces plaintes lugubres de