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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

rope, qui périront, furent toujours dupes, en matière d’amour, de l’illusion physique ? Claude commençait à voir Razane telle qu’elle était, non telle qu’elle aurait dû être d’après sa forme extérieure.



C’était bal chez le Gouverneur. La Résidence, par toutes les fenêtres de sa façade, rayonnait une lumière froide et crue dans la nuit bleue, sous le doux scintillement des étoiles. Une file ininterrompue de pousse-pousse et filanzanes encombrait l’avenue de France, bordée de mimosas et d’eucalyptus. Deux tirailleurs malgaches, devant les guérites de factionnaires, se dressaient comme des statues de bronze, droite et à gauche de la grille. L’arme au pied, le cou tendu, ils regardaient, de leurs yeux blancs, luisants de curiosité, le défilé des hommes au visage pâle, tous vêtus de noir, et des femmes en toilettes claires. Pousses et filanzanes se pressaient dans la cour sablée. Les boujanes s’exclamaient en malgache, sans jurons ni colère, avec des rires et des plaisanteries ; respectueux des hiérarchies, ils se cédaient la place selon le rang de leurs maîtres. Chaque équipe, de minute en minute, montait au trot, d’un effort, la rampe sinueuse du perron, et déposait les invités sous la marquise, dans la clarté blanche de la porte ouverte à deux battants.

Claude, en recevant le carton de la Résidence,