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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

dormait d’habitude. Mais Claude, à son insu, découvrit l’amulette ; car la dureté de la corne lui avait fait deviner la présence en son lit d’un corps étranger, et il soupçonna de suite une pratique païenne de Razane. Il laissa l’amulette en place pour ne pas la contrarier et songea, une fois de plus, à la difficulté d’unir la vie de deux êtres qui suivent les coutumes d’ancêtres différents. Une défiance presque peureuse lui venait, dans l’ignorance des superstitions de sa ramatou. La corne de bœuf cachée dans un matelas ne prêtait qu’à rire ; mais tous les rites de la magie n’étaient pas inoffensifs. Peut-être l’Imérinienne lui servait des breuvages nocifs, mêlés à ses aliments. Certains aphrodisiaques à effet lent sont en même temps des poisons. Les sorciers malgaches pouvaient les utiliser, et Claude, parfois, la fièvre aidant, trouvait à la cuisine une saveur étrange. Il chassait les idées folles : elles laissaient dans son esprit l’image d’une Razane inconnue, impénétrable, plus qu’étrangère, presque hostile. L’illusion que lui avaient donnée d’abord les gestes de l’amour, pareils pour toute race, ne suffisait plus. Ces gestes mêmes, malgré la volonté de plaire où s’ingéniait l’Imérinienne, inlassablement, lui paraissaient moins désirables que naguère. Jusques en eux subsistait l’incompatibilité. L’idéal de la beauté varie pour chaque peuple. Quand les dissemblances sont telles qu’entre Européens et Papous, entre Anglais et Arountas, aucune illusion n’est possible ; quand elles s’atténuent,