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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

existence, et elle disparut à jamais dans les courants paternels du fleuve. Aujourd’hui l’Esprit de cette Fille des Eaux erre encore dans les lacs et les rivières de l’Île. Mais à quelque endroit qu’elle se trouve, dans les golfes de l’Itasse, fleuris de lotus bleus, ou parmi le îles herbeuses de l’Alaoutre couleur d’opale, ou dans les gouffres profonds des larges neuves aux bancs de sable hantés des crocodiles, du nord ou du sud, de l’est ou de l’ouest, elle revient dans la grotte humide, au pied des Grandes-Roches, près de Tananarive, chaque fois que le mois achève dans le ciel la forme ronde et parfaite de la lune. Elle demeure alors quelques journées au lieu de ses anciennes amours, et elle exauce les vœux des Imériniennes qui, des six provinces, viennent vers sa grotte avec un cœur fervent et les présents d’usage.

Razane porta donc à la Fille des Eaux un coq rouge, une pièce d’argent neuve au beau son, des fruits, du miel et du lait. Un des prêtres des Grandes-Roches, possédé par l’Esprit, demanda un morceau d’un vêtement porté longtemps par l’étranger et un peu de terre recueillie dans l’empreinte de ses pas. Quand la ramatou eut satisfait à cette exigence, il fabriqua un talisman efficace, inclus dans le bout d’une corne de bœuf, le sanctifia en le frottant contre les pierres rugueuses de la grotte et le livra, moyennant deux piastres, à la jeune femme. Elle le mit secrètement, d’après les recommandations faites, au milieu de la laine même de leur matelas, à la place où le vazâha