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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

troisième séance, pouvait déjà jouer avec un seul doigt les airs à la mode.

Parmi les objets recherchés par Claude figurait l’attirail des sorciers et des prêtres, les idoles sculptées en images de bêtes ou d’hommes, les fétiches inclus dans des cornes de bœuf ornées de perles, les talismans en forme de chapelets, faits d’ossements et de racines d’arbres alternant avec des pierres de couleur et des anneaux d’argent. Razane détestait ces choses mystérieuses et redoutables, surtout elle en avait peur. Il lui semblait que ces objets-là pouvaient introduire dans la maison par leur force inconnue et leur vertu magique, tous les périls, toutes les terreurs, toutes les maladies. Aussi suppliait-elle Claude de s’abstenir d’en acheter et d’en apporter dans la case. Cette crainte superstitieuse avait d’abord amusé Saldagne, mais il avait fini par la respecter. Du reste les objets de cette catégorie qu’il avait laissé traîner, disparaissaient mystérieusement. Hazane interrogée jurait toujours qu’elle n’y avait pas touché ; sans doute ils étaient sortis d’eux-mêmes de la case du vazâha : car les sortilèges indigènes, disait-elle, redoutent la force magique toute puissante des Européens, et perdent, au voisinage de ceux-ci, une part de leur propre efficacité.

Elle osait pourtant se servir d’une seule espèce de charmes, les talismans d’amour. Toutes les Imériniennes les connaissent et savent les utiliser pour attirer les désirs des hommes. Mais Razane dissimulait avec soin ces pratiques à