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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

étaient venus par clans, de tous les villages où la famille de Razane avait des proches, et ils attendaient dans le jardin d’être réunis pour saluer ensemble le grand étranger, mari de leur parente. Ceux du village de la Pierre-Blanche dans les montagnes de l’Andringuitre, les cheveux hérissés et l’air sauvage, portaient des lambas sales couleur de glèbe ; un peu farouches, ils se tenaient à l’écart. Ceux du Grand-Lac-des-Rizières avaient la mine de bourgeois cossus ; les femmes étalaient des bijoux d’or et les enfants des chapeaux de paille ornés de rubans importés de France. Ceux d’Imérimandzâk, fiers d’avoir vu déjà l’Européen, racontaient la visite dans leur village et le sacrifice au grand Ancêtre. Ceux de Tananarive, familiers de la maison, s’étaient installés sur la varangue et les marches de l’escalier. Des fournisseurs habituels, des employés de la Compagnie Australe, des habitants des cases voisines s’étaient joints à eux. Quand Claude parut devant son peuple, une foule blanche immobile et silencieuse emplissait le jardin. Le défilé commença, des représentants de chaque groupe s’avancèrent vers lui, des vieillards accompagnés de jeunes filles ou d’enfants. L’homme disait une phrase en malgache, ou faisait un long discours, ou se contentait de s’incliner avec le geste servile bien connu de Claude ; il présentait en même temps un cochon de lait, un dindon, une oie, parfois un coq ou un simple poulet ; les mains enfantines tendaient des fruits, des ananas noués d’un ruban,