Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

trop beaucoup, ça pas bon, toi voir, toi gueuler. Moi acheter bon marché chez bazar : elle engueuler moi. Parents madame venir cuisine, emporter restes, et puis emporter sucre, emporter farine : toi engueuler moi, parce que ça file trop vite. Moi finir ça, partir. Bonjour, vazâha !

Avant qu’il eût terminé, les deux femmes l’interpellèrent d’une voix suraiguë, en parlant à la fois et si vite que Saldagne n’entendait qu’un flux incohérent de paroles. Impassible, grave et digne, marchant à tout petits pas gênés, à cause de ses chaussures, le cuisinier descendait déjà l’escalier de la varangue que le bruit des imprécations féminines l’accompagnait encore. Spectacle si bouffon, que Claude fut pris de fou-rire. Razane, se tournant vers lui, essaya des explications, traita le cuisinier de grand menteur… Mais il l’interrompit, comme convaincu d’avance ; au fond, que lui importait d’être volé par son cuisinier ou par sa ramatou ?

Pourtant il avait souffert un peu de cet incident. Quelques-uns de ses doutes s’en étaient trouvés confirmés. Certes il n’ignorait pas que Zane ressemblait aux autres, mais il eût préféré n’en avoir pas de preuves évidentes.

Elle sortit, aussitôt après le déjeuner. Claude fit les cent pas sous à varangue. Il songeait. Le cuisinier parti, toute la maison était à la dévotion de la ramatou, restait peuplée de ses parents : la femme de chambre, une cousine ; le marmiton, un fils d’une de ses