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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Il n’était pas bon pour faire la cuisine chez un grand vazâha comme toi…

Il ne put s’empêcher de rire à l’idée de cette hiérarchie dans la domesticité.

— Aussi, Badaude, tu ne donnes pas assez d’argent pour le cuisinier. Trente-cinq francs, c’est bon pour cuisinier de capitaine… Chez nous, il faudrait quarante-cinq francs.

— Cuisinier de colonel, alors !

Quand le vazâha plaisantait, Razane savait sa mauvaise humeur passée. Elle sourit et parla d’autre chose.

On attendit longtemps le déjeuner, qui fut au-dessous du médiocre. Rasou, la femme de chambre, l’avait confectionné, aidée par les conseils de sa maîtresse et avec la collaboration du marmiton. On apporta d’abord une poule au riz accommodée à la graisse rance, puis un poulet au carry, trop épicé, des brèdes avec du riz, et, pour finir, un fond de pot de confiture retrouvé dans une armoire et plein de fourmis. Pour le soir, Razane s’engageait à préparer de ses mains un potage et un poisson marakel au piment, avec un plat de pommes de terre. Claude objecta qu’elle allait se donner bien du mal, qu’on pourrait faire venir deux dîners de l’Hôtel Martel. Mais elle tenait à faire montre de son savoir ; Il n’insista point.

Soudain Rasou accourut avec un air effaré : le cuisinier, revenu pour chercher un tablier lui appartenant, était entré dans la cuisine. Les deux femmes échangèrent un regard indigné. Comme il traversait le jardin, Claude l’appela ;