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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

si c’étaient les maisons d’une ville, les tours d’une église, ou de simples escarpements pierreux. Sur les paysages troubles, un peu gris, s’ouvraient et se fermaient tour à tour les voiles de brume agités par le caprice du vent. Puis, sous le soleil indécis, l’ossature des montagnes se vêtait de verdures très tendres, au bord de la mer s’éparpillaient les maisons d’une cité ou d’un village, dominées par une grande tour, à moins que ce ne fût un phare debout sur des rochers ruiniformes.

Dans la lumière plus claire, le contraste s’exagérait entre le chaos des monts granitiques, hérissés de pointes, fissurés de crevasses, et la ligne monotone des stratifications régulières dont les ondulations blanches dominaient le rivage. Sur la falaise, la ville de Bonifacio, laide comme son nom, étalait avec ostentation ses toits de tuiles et ses grandes casernes trop neuves. Elle rappelait désagréablement à Saldagne la vie moderne, au milieu de ce paysage cyclopéen ; il reporta ses regards sur la mer qui baigne éternellement des mêmes vagues les villes changeantes des hommes. Des phares sur la côte, et, sur les écueils, au large, d’autres phares encore surveillaient le détroit, pour montrer aux navires les îlots rocheux, éclaboussés de ressac. Sur l’un d’eux se dressait une sorte d’obélisque, enclos dans un mur de cimetière, en commémoration de la perte d’une frégate française. Par une nuit de tempête, 80 officiers et 1.200 hommes, envoyés en Crimée, s’étaient débattus au milieu des vagues en furie,