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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

cuisiniers malgaches, syndiqués à l’instar des domestiques d’Europe, boycottaient certaines maisons ; il avait peur que la sienne fût du nombre. Déjà, pour recruter le dernier, on avait eu des difficultés sérieuses. Il s’était montré passable. Par qui allait-il être remplacé ?

Raznne avait vu dans les yeux de son seigneur un éclair d’impatience ; elle crut devoir expliquer l’incident.

— Il est parti sans rien dire, comme Ratsimbe avait déjà fait. Il n’est même pas allé au bazar ce matin. Il n’y avait rien pour le dîner, pas de pommes de terre, pas de pain, rien. À neuf heures, il a donné la clef de la cuisine au marmiton : « Tu diras Madame moi partir, plus revenir ». Et puis il est parti…

L’Européen ne parlait point. Elle s’excusa encore.

— Tu n’aimes pas changer de cuisinier, Raclaude, je sais bien, mais je t’assure que ce n’est pas ma faute. Je suis ennuyée comme une poule dans l’étoupe…

Claude ne sourit même pas ; il l’écoutait par politesse. Elle continua d’une voix moins calme, avec presque de la colère.

— Il était sale, sale… Je ne sais pas comment, toi, un vazâha, tu n’étais pas dégoûté de manger sa cuisine. Et il ne connaissait pas beaucoup… Il avait appris chez de petits Européens… Il était chez un commis qui travaille toute la journée à écrire, assis dans une vilaine chambre, comme les écrivains-interprètes.