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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

les Hyperboréens s’imposèrent de nouveau à son esprit avec une fixité cruelle.

Razane sentit qu’il fallait arracher le vazâha du spectacle de la Maison-Froide, et Ralinoure aussi tira Berlier en arrière. Le petit nuage, dévoré par le soleil, venait de disparaître et, dans la joie du grand jour revenu, tous quatre marchèrent, en devisant, jusqu’à la porte du jardin.

Un matin, Claude était allé surveiller la mise en marche d’une nouvelle décortiqueuse dans une usine de sa Compagnie. Il revenait en filanzane, un peu las, et regagnait les hauteurs d’Ambouhipoutse. Les bourjanes anhélaient en montant la dure côte qui s’élève tout droit des Quatre-Chemins jusqu’à la première plate-forme de la montagne, appelée en langue malgache la Tête-de-l’Autel. Le long de la rue étroite, les petites cases rouges, serrées les unes contre les autres, s’étageaient comme les marches d’un escalier. Ça et là quelques maisons plus grandes, habitées par des Européens, dissimulaient leurs varangues derrière un fouillis de plantes et d’arbres, alignaient sur la rue de larges terrasses de pierre à balustrades de briques ajourées.

Une multitude, à cette heure, emplissait la rue : employés malgaches rentrant chez eux, fonctionnaires quittant le bureau, petites gens revenant du marché ou de la rizière. Accoutumé à l’agitation silencieuse de cette foule, bercé au