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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Voyez, Saldagne, comme mon tombeau est accueillant ce soir.

Berlier appuya de toute sa force sur la porte massive, elle grinça sur ses gonds de pierre et s’ouvrit. Le soleil, proche de l’occident, faisait un chemin de lumière jusqu’au lit de basalte noir, au fond du tombeau. Claude regardait, mais une tristesse soudaine le prit, réminiscence peut-être des terreurs ancestrales éprouvées par les hommes primitifs à l’entrée des grottes funéraires. Il recula de deux pas en tirant Razane par la main, et le contact de la douce peau fraîche, par une obscure sensation voluptueuse, suscita dans son cerveau des images de force et de vie.

Le soleil baignait toutes choses d’une clarté sereine ; la Maison-Froide rayonnait une lumière rose ; à l’un des coins, un boulainvilliers en fleurs la vêtait d’un somptueux manteau violet ; les mimosas exhalaient dans l’air tiède leurs parfums. Les deux Imériniennes, drapées dans les lambas, faisaient nuptiale et non mortelle pour Claude cette minute inexprimable. Soudain un tout petit nuage passa devant le soleil. Le tombeau devint gris, les verdures s’assombrirent ; Berlier, debout, semblait scruter l’ombre du couloir ouvert, Ralinoure, enveloppée d’une étoffe blanche comme d’un suaire, s’appuyait d’une main sur son épaule, et il parut à Claude qu’elle était prête à entrer avec lui dans la case vide. Il évoqua le Monument aux Morts de Bartholomé avec le Couple Humain au seuil de la porte symbolique ; les idées noires imaginées par