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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

bilier malgache d’autrefois que deux chaises de bord.

— Je me félicite de cet accroc à la tradition, dont je profite aujourd’hui.

— Mais avouez donc que vous l’aimez aussi, notre Tananarive, que pour être le dernier venu de notre groupe, vous n’en êtes pas moins déjà vieux-malgache. Vous avez été séduit, comme presque tous, par le charme de la terre et de la race imérinienne, et vous confondez dans le même amour la ville et la femme qui vous ont accueilli. Dès maintenant vous n’acceptez plus la possibilité de vivre ailleurs qu’à Tananarive, et Razane vous a fait oublier toutes les maîtresses de l’autre hémisphère. Quand vous rentrerez en France, vous aurez assez de votre Paris au bout de quelques mois, et vous trouverez longues les six mille lieues qui vous sépareront de Tamatave…

Claude ne disait rien ! Il pensait. Les paroles de son ami sonnaient assez désagréablement dans le silence de sa quiétude et éveillaient des idées qu’il eût préféré laisser dans la pénombre de l’inconscience. L’avenir pour lui était obscur et incertain. Il trouvait de la beauté à la vie coloniale, si large, féconde en impressions fortes et nouvelles, mais certaines joies, oubliées de ceux qui s’expatrient vers les terres lointaines, lui laissaient des regrets nostalgiques. Les théâtres, les musées, l’art sous toutes ses formes, lui manquaient, et même les vacances dans le milieu provincial paisible, où s’éternisaient, en leurs coutumes familiales, de