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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

s’il ne cachait pas seulement le vide d’une existence qu’aucune affection sérieuse n’avait jamais remplie. Avec un peu de patience, peut-être nous serions-nous mieux compris ; mais pour vous c’était la perte de votre énergie, c’était pour d’autres la perte d’une force utile, donc vous avez agi sagement : il fallait fuir loin, très loin.

« Adieu ! Si la joie d’un soleil inconnu, si la révélation d’une vie nouvelle laissent parfois place aux souvenirs, donnez alors une pensée un peu émue à celle qui restera toujours pour vous une amie fidèle. »

« Marthe Villaret. »


Deux fois, trois fois, il relut les pages de longue écriture penchée ; c’était si loin de ce qu’il attendait, si simple, si tendre ! Il comprit que, s’il gardait cette lettre, c’en était fini de toutes ses résolutions. S’il la relisait à Port-Saïd, il prendrait le premier bateau pour Marseille. Soudain un doute cruel lui vint : dans leur jeu de l’amour et du hasard, Marthe Villaret sans doute avait voulu être belle joueuse, elle avait opposé simplement sa faiblesse désarmée à une rupture un peu brutale. Après tout, si elle l’avait vraiment aimé, si elle avait tenu à l’empêcher de partir, ne serait-elle pas venue à Marseille, avant qu’il montât sur le bateau ? Secrètement, il avait rêvé une telle folie de sa part, il lui en voulait de ne pas l’avoir osée. Maintenant c’était trop tard : leur destin devait s’accomplir. Mais il fallait détruire ce vestige trop matériel du