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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— C’est vrai, Berlier, que la Science est impitoyable à la Beauté, mois la Beauté se venge en forçant la Science à douter d’elle-même.

— Qu’elle devait être belle, l’Iarive d’il y a cinquante ans, celle d’avant les Français, d’avant les Missionnaires !

— Je ne me la représente guère,

— Mol, je la vois. Toute la montagne était couverte de cases en bois ou en terre rouge à hauts pignons croisés. Le Rouve royal dominait de sa majesté barbare les toits de roseaux et les murs de boue. Du vert, du rouge, et du gris. Des teintes fondues et somptueuses. Pas de routes, pas de blessures béantes aux flancs de la montagne, pas de roches éraillées, pas de talus de sable… Seulement, pour accéder au Rouve, un mauvais chemin tout droit, empierré de grandes dalles noires, inégales et rugueuses, pareil au Pavé-du-Roi. Un fossé, avec un mur hérissé de cactus, et des portes cyclopéennes fermées par d’énormes disques de gneiss brut, limitait l’enceinte où il était interdit de bâtir en pisé, où les cases de bois, aux varangues soutenues par des colonnes de pierre, abritaient la fierté des Andrianes, tendis qu’au dehors le chaos des taudis faits de glèbe amoncelée, où pullulaient les esclaves, semblait jaillir du sol comme des productions de la Terre !

— Tout de même Tananarive devait manquer de confort à cette époque !

— Pourquoi ? Ma case date de ce temps ; elle passe pour confortable ; je n’ai ajouté au mo-