Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

plus haut cap de la montagne, les catholiques à une portée de sagaie de la crête, les Anglicans dans l’enceinte même du Rouve. Et voici un clocher encore, au sud, vers Souaniérane, un autre au-dessus d’Ambouhidah, un temple massif au fond de Mahamasine, et, tirant les yeux de tous les points de l’horizon occidental, hideuse, énorme, écrasante, la bâtisse des Pères Jésuites. Elle tient de l’église, de la caserne, du couvent et de la forteresse. Flanquée de tours hexagonales, percée d’innombrables fenêtres en ogive, couverte d’un petit toit bas et ridicule, elle est laide irrémédiablement, avec ses prétentions architecturales !

— Oui, vous avez raison, Saldagne ! Mais avouez que la belle lumière et l’éternelle verdure, avec les fleurs violettes, ou jaunes, ou blanches, et les cases rouges de la même couleur que la terre, sauvent encore l’ensemble !

— Je vous l’accorde ! D’ailleurs une seule cité au monde a-t-elle pu garder, en notre siècle, sa beauté intégrale ? Toutes les villes ont été violées dans leur pureté architecturale ou ethnique, à notre époque de communications rapides, de savants et d’usines ! J’ai vu les Tedeschi mener dans Venise outragée leur sarabande de Tyroliens ivres. À Rome, le moderne monde noir rapetisse la cité des anciens dieux et des grands papes d’autrefois.

— Et à Tananarive, il y a trop d’Européens, surtout trop d’ingénieurs, soit dit sans vous offenser, Saldagne. Car vous êtes resté artiste, vous, malgré votre profession.