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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

On y jouissait d’une vue admirable, et les deux amis aimaient à y prolonger leurs causeries, en oubliant l’heure.

Ce jour de septembre finissant, la vie leur semblait particulièrement douce. C’était, après la pluie des mangues, le printemps austral avec le parfum des lilas nouveaux et des mimosas presque défleuris. À la fin du repas, les deux ramatous étaient rentrées dans la case pour parler de leurs affaires de famille ou de ces mille riens qui intéressent les femmes sous toutes les latitudes. Claude et Berlier, étendus sur des chaises de bord, s’abandonnaient à l’apathie tropicale, ou se plaît même l’âme inquiète des Européens.

Depuis un moment ils goûtaient la joie de ne plus parler, d’échanger simplement par les senteurs de l’air et es effluves de la lumière des impressions infiniment exquises. Ils contemplaient, en face d’eux, le décor unique de la Ville Imérinienne, une des plus extraordinaires que les enfants des hommes aient jamais bâties en aucun lieu du vaste monde. La transparence de l’air donnait aux moindres détails une netteté parfaite, et le paysage entier, dans le jour harmonieux, se détachait en vigueur. Le lac Anousse, avec son île d’émeraude, baignait de ses eaux plombées des plages de boues rougeâtres, parsemées de ricins. La masse de verdure du parc de la Résidence, servait de piédestal au Palais du Gouverneur, bâtisse pseudo-renaissance, que sauvent, à défaut de style, sa situation et sa couleur. À côté de cette archi-