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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Hellènes. Jean Romain l’avait-il fait placer par une attention délicate à l’égard de ses invités, et pour mieux marquer le caractère vieux-malgache de cette fête ? Ce portrait, aux yeux de Saldagne, devenait symbolique. La petite reine voyait ses anciens sujets s’amuser avec quelques-uns de leurs peu farouches conquérants ; son sourire triste, doux et résigné, s’adressait pareillement à tous, aux hommes de Madagascar, descendants des Javanais, des Négritos ou des Polynésiens, aux femmes malgaches restées fidèles aux mâles de leur race, comme à celles qui se livraient à des vazaha, même aux vainqueurs qui, sans morgue, se mêlaient à son peuple, dignes presque d’être nés dans une île heureuse de l’Océan Indien. Malgré les habits noirs et les jupes à la française, malgré les carnets de bal, les éventails, les airs de valse et de quadrille, tout cela restait très malgache, depuis les visages malais ou nègres ou tahitiens, depuis les noires et sauvages chevelures rebelles aux coiffures nouvelles, les peaux olivâtres ou bronzées ou jaunes, l’idiome guttural et chuintant, jusqu’aux sons étranges et sourds de l’ampoungue, qui, couvrant le chant des violons, retentissait comme un appel de barbarie.

La reine avait raison de sourire, car Claude sentait qu’en ce bal malgache, ceux d’Europe, autant et plus que ceux d’Imérina, s’étaient adaptés.