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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

avec les danseuses bronzées, petites idoles aux visages impassibles, il évoquait les femmes de son pays, serrées dans les bras de leurs cavaliers. Il se rappelait aussi certains troubles jaloux éprouvés jadis, et jouissait de sa quiétude présente à voir Razane polker gravement avec un jeune Malgache engoncé dans un immense faux col. Soudain la musique s’arrêta. Aussitôt les couples se séparèrent, comme pressés de retourner à leurs places. Certaines danseuses quittaient brusquement leurs cavaliers au milieu du salon, et, souples, se glissaient à travers la foule vers leur chaise. Les autres, après s’être laissé reconduire, saluaient cérémonieusement.

Berlier vint s’asseoir près de Saldagne.

— C’est, n’est-ce pas, infiniment plus chaste que n’importe quel bal d’Europe ?

— J’en conviens. Danseurs et danseuses paraissent n’avoir aucune arrière pensée de volupté.

— La preuve, c’est que leurs préférences ne vont pas vers le boston, mais vers les quadrilles.

Dans leurs inventions ou leurs adaptations chorégraphiques ils multiplient les pas, les évolutions, les saluts, et ne cherchent à réaliser que des danses de caractère.

— Je remarque que presque personne ne fait tapisserie.

— Les dames européennes, qui se plaignent que les hommes ne dansent plus, seraient peu flattées de voir cet empressement.

— Et la bourgeoisie houve qui a répondu à