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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

qu’elle est presque Javanaise, et qu’elle sait draper avec art dans des étoffes à ramages son corps d’androgyne !

Claude s’intéressait aux danses alternativement européennes et malgaches. L’orchestre aussi était double, piano et violons à un bout de la salle, de l’autre côté tambour et flûtes malgaches, avec deux cuivres ; même un accordéon faisait sa partie, quand le genre l’exigeait, et pour compléter la couleur locale. La plupart des danses nouvelles[1] imaginées par les Malgaches rappelaient plus ou moins le quadrille : les mpilalô seuls, danseurs de Village ou de carrefour, pratiquent encore l’ancienne chorégraphie toute barbare. Mais les Imériniens avaient su transformer et styliser, dans un genre soit maniéré, soit hiératique, les danses importées d’Europe. Dans le banal quadrille des Lanciers, les glissements des pieds, les gestes des mains prenaient une allure rituelle ; dans la mazurka, les jetés et les balancements se faisaient sur un rythme lent, avec temps d’arrêt marqués. Toutes les danses étaient chastes : ramatous et cavaliers tournaient avec une régularité d’automates, dans des attitudes parfaitement correctes, sans serrements de mains, ni frôlements, ni œillades ; hommes et femmes ne se regardaient point, n’échangeaient pas une parole. Jamais Saldagne n’avait vu une telle indifférence apparente dans le plaisir. En contraste

  1. En 1909. époque à laquelle se passe cette histoire, les danses actuelles n’étaient pas encore connues.