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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

des Anciens, qui les ont transmis, ils sont le patrimoine héréditaire de pensée et de poésie constitué lentement par les générations.

— Vous en connaissez beaucoup ?

— J’en ai appris des centaines, en causant avec les vieux. Quand deux Imériniens discutent, celui qui appuie son raisonnement du plus grand nombre de proverbes est vainqueur ; dans les assemblées, celui qui en cite davantage dans son discours est plus applaudi.

— Et je m’aperçois que même dans la vie de famille, les petites filles ignorantes savent les utiliser.

— Les proverbes sont toute la philosophie des Imériniens. Ils conviennent parfaitement à leur esprit de ruse et de dissimulation. Chacun donne lieu à deux ou trois interprétations différentes et laisse toujours une échappatoire à qui sait s’en servir.

— Surtout comme ils correspondent bien au caractère conservateur des Malgaches pour qui le respect de la tradition est le commencement de la sagesse !… Quelle chose mystérieuse que la puissance de la tradition ! Depuis que j’ai assisté à une cérémonie païenne, à vingt kilomètres de Tananarive, dans un district plein d’églises et de temples, depuis que j’ai vu Zane, reprise une heure par la vie ancestrale, marcher pieds nus sur les dalles rougies du sang d’une victime, je ne sais que dire de ce peuple.

— Sans doute il est difficile à connaître. Pour entrer en rapports même superficiels avec lui, il faut faire table rase de nos préjugés d’Eu-