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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

une lumière dorée ; une brise légère apportait des jardins et de toute la montagne le parfum des lilas de Perse ressuscités par le printemps austral. Des idées de jalousie, des visions d’infidélité, telles que se les forgent les hommes de l’Europe, loin du jour clair, dans les brumes déformantes de leur pays, hantèrent le cerveau de Claude. Il aurait eu quelque honte à les avouer à l’Imérinienne ; il essaya par une sorte de transposition, d’éveiller la jalousie de la jeune femme et dit :

— Zane, si je te trompais pendant mon voyage, et que tu le saches, qu’est-ce que tu ferais ?

Elle ne répondit pas tout de suite, visiblement embarrassée. Elle cherchait ce qui pouvait faire plaisir à l’Étranger, ne trouvait rien. En réalité, pourvu qu’il ne la chassât point et ne ramenât pas dans leur case une autre femme, peu lui importait une ou plusieurs infidélités. Mais cela, elle ne pouvait pas le dire, car il est mauvais de dévoiler aux hommes le fond de sa pensée. Elle avait commencé par rire aux éclats, pour se donner du temps, puis, tournant vers Claude son visage tranquille :

— Tu te moques de moi, Raclaude ? Est-ce que tu sais si tu me tromperas ? Est-ce que tu sais si je le saurai ? Est-ce que je peux savoir, moi, maintenant, ce que je ferais ?

Elle ajouta, après quelques secondes de silence :

— Tous les mêmes, les vazaha, tous les mêmes… N’y a pas plus coureurs qu’eux…