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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

l’esprit de l’ancêtre. En bas du tombeau, dans la direction des origines obscures de la race, un mur en éclats de gneiss délimitait une enceinte rectangulaire, le temple au-dessous du sanctuaire, temple sans toit, sans ornements, sans images, comme un maraï tahitien. De ce haut lieu la vue embrassait un vaste paysage de montagnes rocailleuses et de collines rosées ; des villages, perdus dans la verdure des figuiers sauvages, couronnaient les sommets abrupts ; des hameaux s’entouraient de fossés ronds, sur la pente des coteaux ; dans les fonds luisaient, en taches d’un vert clair, les jeunes rizières ; çà et là des bosquets de manguiers sombres recélaient, au milieu du paysage de lumière, le mystère des bois sacrés ; à l’horizon lointain, dans l’éclat du soleil levant, surgissait la montagne de Tananarive, étincelante de maisons.

Claude se sentait transporté en pleine barbarie ; la vision d’Iarive-la-joyeuse contrastait avec l’immortelle et sauvage mélancolie du Haut-lieu. L’attente d’une cérémonie païenne, dans ce merveilleux décor, exaltait son imagination. Il regardait Razane, pieds nus, avec la tache de terre blanche au front, il s’étonnait presque de n’avoir pas lui-même quitté ses chaussures et de n’être pas un malgache comme les autres. Toute la scène lui apparaissait fantastique et irréelle, avec, au premier plan, l’antique sépulcre aux pierres encore luisantes de la graisse des moutons, et la toile de fond de la Ville-des-mille, s’offrant aux baisers du soleil Dans un tel décor, s’il eût été du sang d’An-