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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

femmes avec un petit cercle de terre blanche marqué au-dessus des yeux. Razane ne s’était point soustraite à la coutume : son front portait la marque rituelle, et ses beaux pieds nus foulaient la terre dure.

Tous se hâtaient, silencieux, en file indienne, par l’étroit sentier perdu au milieu des hautes touffes d’herbes. L’Imérinienne, qui marchait devant Claude, se retourna pour lui montrer du doigt un promontoire ou se dressait une sorte de tombeau. C’était là. On y fut bientôt. Le plus vieil ancêtre des gens du pays était enterré à cette place, et sa sollicitude continuait de s’étendre sur les générations sorties de lui. Il s’appelait Andriantsimandâfik, vivait, au dire des Anciens, bien avant les temps crépusculaires de la reine Rafouï-la-Courtaude, dont le cadavre repose dans une pirogue au fond d’un lac sacré.

Le culte d’Andriantsimandâfik, avait grandi d’âge en âge : le divin aïeul donnait des enfants aux femmes stériles, des bœufs et du riz aux gens nécessiteux ; il protégeait contre les maléfices ceux qui venaient le prier ; quiconque violait ses interdictions rituelles mourait le cou tordu, ou demeurait paralysé, ou devenait lépreux. Son tombeau, bordé d’un petit mur en pierres sèches, et plus haut que les sépultures ordinaires, couvrait autant d’espace qu’une grande case. On y accédait par des dalles superposées. La partie supérieure constituait le sanctuaire ; un large disque de pierre, entouré d’autres blocs plus petits, marquait, au coin Nord-Est, le lieu sacré où résidait de préférence