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ont tous dans les veines du sang européen ou arabe. Le colon vazaha n’osait plus interroger ce singulier indigène ; les questions affluaient à ses lèvres : un sentiment de délicatesse l’empêchait de les poser.

Justin Allevent, avec sa finesse de demi-sauvage, comprit les pensées de l’homme blanc et dit, après un silence :

— Vous vous demandez pourquoi j’ai pris ce métier d’homme des bois. J’aurais pu, comme tant d’autres, être écrivain-interprète ou même gouverneur indigène. Eh bien ! voici : sans mon père, il m’était impossible de devenir un vrai vazaha ; j’ai préféré, plutôt que de faire partie toute mon existence de cette caste douteuse des métis, me replonger délibérément dans le milieu indigène et reprendre la vie de mes ancêtres maternels. Je suis revenu au village de ma mère. Ceux-ci, qui sont mes cousins, m’ont appris, à chasser le sanglier, à observer le vol des abeilles parmi les arbres pour découvrir les ruches, à reconnaître les lianes qui donnent le meilleur caoutchouc. Je suis très heureux. J’étais fait pour vivre libre dans la forêt. Déjà, au lycée Leconte de Lisle, les habits des vazaha me gênaient aux entournures, et j’étouffais, certains jours, dans la prison de l’internat.

— On voit que vous avez fait vos humanités. Vous vous entendez aux kabary.