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et conscient à des passions mauvaises, dégradantes ! En ce coin d’Andevourantou, terre brûlante d’alluvions, où les fleuves et la mer mêlent leurs eaux fécondes, le sol sue la volupté ; les plantes jaillissent avec toute l’exubérance tropicale ; les bêtes se multiplient dans un rut toujours inapaisé. En vain le Révérend chassait les images de luxure : partout elles s’offraient à ses yeux. Il semblait que ce matin-là, Andevourantou ne fût peuplée que de femmes : des femmes marchaient, le long des barrières de bambous, à l’ombre des badamiers ; les lambas multicolores étalaient des dessins naïfs sur les croupes lascives, sur les poitrines provocantes ; d’autres femmes tressaient leurs cheveux, les bras mollement arrondis au-dessus de la tête, bombant leurs seins fermes sous l’akandzou aux plis raides ; certaines, au seuil des cases, cherchaient ingénument des parasites dans la chevelure de leurs enfants ; quelques-unes plaisantaient avec des bourjanes, leur bouche sensuelle ouverte en un rire éclatant. Le pasteur filait vite dans les rues vertes et discrètes ; il était arrivé maintenant à la grande avenue sableuse, bordée de cocotiers, le boulevard d’Andevourantou, implacablement ensoleillé, le long duquel s’abritent, parmi les dunes verdoyantes, les maisons des colons ou des fonctionnaires. Hélas ! là aussi s’étalait le scandale : à l’ombre des varangues circulaient, affairées et décentes