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sa haute situation dans la colonie le forçait à quelque discrétion, qu’il ne pouvait guère se mettre en quête lui-même.

— Qu’à cela ne tienne ! dit l’autre. Je vais vous donner un chasseur qui rabattra le gibier jusque sous votre moustiquaire. Sélam ! Sélam !

Un grand Comorien surgit à cet appel du bord de la route où il était accroupi, et vint s’appuyer nonchalamment à la balustrade en briques de la terrasse. Il portait une longue lévite blanche, un peu sale, tombant jusqu’aux pieds, et un fez rouge. C’était un de ces êtres sans race, métis de nègres, de malgaches et d’arabes depuis des générations, qui dans les ports exercent les métiers les plus divers, avouables ou inavouables, tour à tour voleurs ou agents de police, marchands ou receleurs, proxénètes ou prostitués, chauffeurs des Messageries Maritimes ou chasseurs de puces d’un sultan nègre : l’arsouille de l’Océan Indien, tel qu’on le rencontre à Djibouti, à Mombasa, à Zanzibar, à Dzaoudzi, à Majunga. Celui-ci était un beau type de l’espèce : pour le moment il avait pris le métier peu fatigant de boutou ; en cette qualité, il faisait les commissions, amoureuses ou autres, du directeur de la Compagnie Australe. Son vrai nom était Toutou Kibiky, mais son maître, pour plus de commodité, l’appelait Sélam. Devinant la mission dont on allait le charger, il regardait d’un air protecteur et