Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée

le sommet des collines, chassait les spectres de la nuit. On eût presque dit un matin ordinaire de Tananarive. Il semblait aux Lefort que les maisons malgaches, voisines de la leur, au flanc de la montagne, s’éveillaient comme d’habitude. Tout à coup retentit une sonnerie de clairon, le réveil de la garde indigène, là-bas, à Fiadanana ; depuis deux ans elle annonçait tous les matins aux Lefort qu’il était cinq heures. Mais cette sonnerie française, à l’heure réglementaire, en une journée pareille, que signifiait ? La garde indigène devait participer à la révolte : elle était donc loin de sa caserne. Et si, par le plus grand des hasards, elle était restée fidèle, elle avait autre chose à faire que les sonneries réglementaires. Alors, quoi ?...

Pour la première fois, depuis trois mortelles heures, M. Lefort eut l’idée qu’il pouvait s’être trompé. Cette joie physique de la délivrance entrevue lui causa un tel afflux de sang que ses oreilles bourdonnèrent : il faillit se trouver mal. Sans rien dire à sa femme, pour ne pas lui donner une vaine espérance, il se glissa hors de la cahute, en faisant signe qu’il allait revenir. Entre les troncs des bananiers, il se coula jusqu’au mur d’enceinte de son jardin. Ce mur en terre rouge, effrité par le vent, mangé par la pluie, ouvrait çà et là de larges brèches. Par une récente lézarde, sûr de voir sans être vu, il regarda.