Il haussa les épaules et ne répondit même pas. Brusquement il se décida. L’essentiel était de gagner du temps. Après l’ivresse des premières vengeances, les Malgaches, peuple placide et doux, se calmeraient. Les Européens échappés au massacre nocturne seraient peut-être gardés comme otages. C’était une chance à courir en tous cas, si mince fût-elle.
M. Lefort descendit l’escalier, suivi de sa tremblante épouse ; il sortit de la maison, laissa toutes les portes ouvertes pour faire croire qu’on s’était sauvé sans espoir de retour, et gagna les parties les plus touffues du jardin. Il y avait heureusement de quoi se cacher. Devant la maison, des saules pleureurs laissaient tomber leurs branches pour masquer les allées et venues des habitants ; derrière, le long des communs, deux rangées de bananiers drus et verts offraient au vent leurs larges feuilles effilochées. Les fugitifs se glissèrent entre les troncs serrés, dans l’humidité chaude de l’humus putride ; tout au fond du jardin, à l’abri des verdures luxuriantes, ils allèrent se blottir dans une petite cahute en bois, couverte de zouzourou pourri, branlante, disjointe, vermoulue, abandonnée depuis longtemps aux vouroundoulou, Bien malin qui viendrait les chercher là !
Une fois tapis, de nouveau ils tendirent l’oreille. Tout de suite, ils eurent l’impression que la révolte était