Dans la nuit noire, cette musique était angoissante : des appels précipités, impérieux, en deux notes aiguës, suivis d’une note plus grave, longuement prolongée, pareille au meuglement d’un taureau. Les sons, de plus en plus forts, semblaient se rapprocher ; le sonneur maintenant passait sur le chemin, à trente mètres ; puis il s’éloignait peu à peu ; les appels lointains, moins sauvages, devenaient plus mystérieux. M. Lefort s’était dressé sur son séant ; il écoutait, ahuri et troublé, dans l’inquiétude de son sommeil brusquement interrompu et de son imagination pleine de Fahavalou. Sa faible épouse, cramponnée à son bras, suait de peur, attendait une parole pour la tranquilliser, parole qui ne venait pas.
— C’est un incendie, n’est-ce pas ? finit-elle par dire ; elle exprimait le minimum de son inquiétude, avec le vague espoir que son mari affirmerait qu’en effet c’était un incendie. Événement de si peu d’importance, puisque le feu n’était pas dans leur maison ! Lui retenait sa respiration pour mieux écouter, et ne disait mot.
Maintenant d’autres conques répondaient à la première, dans le lointain. D’invisibles sonneurs jetaient le même appel lugubre et lent à tous les coins de la ville. La mélancolie fameuse du cor n’était rien en comparaison de l’horreur barbare de ces trois notes meuglées dans la nuit par les andzoumbouna ! Les sons,