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long de la colonne, les alertes nocturnes à l’étape. Surtout il regrettait les batailles d’Afrique, le fracas du canon ouvrant une brèche dans le tata, l’assaut à l’arme blanche, la ruée des guerriers noirs à travers les pans de murs écroulés, et le jaillissement du sang sous les coups de pointe, et l’écrasement des crânes sous les coups de crosse, et le viol des femmes éperdues dans les coins sombres des cases, et les danses du tam-tam dans la nuit victorieuse au milieu du pays conquis. Tout cela, pour un Sénégalais, se résume en cette expression pittoresque : « casser village » ; Mohammed voulait aujourd’hui casser village ; il marchait comme un fou, franchissant au pas accéléré les tanety abrupts, courant sur les digues des rizières, cherchant le village à casser. Il était hagard et tragique. Les enfants qui jouaient autour des cases s’enfuyaient à son approche ; les femmes assises sur le pas des portes se recroquevillaient dans leurs lambas ; les hommes armés de baguettes qui gardaient les bœufs disparaissaient derrière quelque mur, à la vue de son fusil. Il fit ainsi des kilomètres, escaladant des plateaux, redescendant des côtes, traversant des cols, toujours droit devant lui, à la recherche d’un obstacle, pour le casser.

Mais, en ce pacifique pays d’Imerina, rien ne s’opposait à sa marche, les passants s’écartaient de son chemin, les maisons semblaient vides à son approche,