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UN CONQUÉRANT


Dans un coup de folie, à la suite d’une observation un peu vive, Mohammed le Sénégalais venait de tirer sur son sergent européen. La fureur, heureusement, l’avait empêché de viser, et l’autre en avait été quitte pour la peur. Épouvanté de son acte, avec dans les yeux la vision du conseil de guerre et du peloton d’exécution, le Sénégalais gagna la brousse. L’ivresse du meurtre entrevu faisait encore battre ses tempes ; le bruit du coup de feu, après des mois d’apathie pacifique, sonnait joyeusement dans ses oreilles ; et le guerrier naïf, en une brusque poussée de sauvagerie, voyait rouge. Assez et trop longtemps, en ce doux pays malgache, il avait fait les commissions du lieutenant, le marché du sous-lieutenant, essuyé les rebuffades du sergent, les moqueries du caporal. Il avait la nostalgie des marches dans la forêt vierge, avec la sagaie de l’ennemi qui menace, à portée du bras, derrière chaque arbre, avec les attaques de flanc le