le gramophone, qui obtint un succès inespéré et durable. On ne rentra l’instrument qu’à six heures du soir. Kalou ne parlait pas de quitter Vouhilava. Le lendemain matin, elle resta chez elle. Rochard alla lui rendre visite. Après quelques instants de causerie, il demanda si elle avait un souhait à formuler. Le gouverneur général avait ordonné de lui faire plaisir en tout ; elle n’avait donc qu’à parler, qu’à exprimer un désir.
— Je veux, dit très simplement la reine, que tu m’envoies un vazaha pour dormir avec moi ce soir.
L’administrateur ne s’attendait guère à pareille fantaisie ; mais on devient philosophe à force de vivre dans la brousse, et on apprend à ne s’étonner de rien. Il déclara que les désirs de la reine seraient satisfaits ; pourtant, de peur qu’elle n’en exprimât d’autres, il rentra chez lui et s’assit dans son fauteuil pour réfléchir à la situation. Sur ses lèvres errait un sourire qui pouvait passer pour une grimace. L’idée de la reine l’amusait beaucoup ; l’issue de l’aventure l’inquiétait un peu. Il connaissait l’histoire de l’explorateur français, premier amant vazaha de Kalou ; il savait que, depuis, la reine avait offert pendant quinze ans à un certain nombre d’officiers et de fonctionnaires une hospitalité écossaise. Mais Kalou avait trente ans, la maturité pour une Sakalave ; sa vie royalement oisive avait favorisé le développement de son système