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froideur germanique contribuèrent ensemble à le débarrasser de son amour, devenu pour lui une gêne. La lettre paternelle avait réveillé dans son cœur les tendresses familiales endormies ; il fut pris, comme un enfant, du heimweh. Il s’entêta dans la volonté de briser les liens qui l’attachaient à « sa petite sauvage », et il y réussit. En quelques jours, elle lui devint presque indifférente. Gauche et maladroit, dépourvu de tact, il ne sut pas le lui cacher ; Ranirina, avec l’espèce d’intuition qu’ont les femmes de toutes races des sentiments de l’amour, eut conscience et se jugea perdue. Elle en éprouva non pas une douleur réfléchie, mais une souffrance presque physique, pareille à celle d’un animal, dont les conditions d’existence sont brutalement changées et qui meurt de ne pouvoir s’adapter, sans savoir pourquoi. Par un de ces obscurs phénomènes psychiques, qui, dans les limbes de la conscience, lient l’amour à la mort, et font que le rut est proche du meurtre, qui dans la série animale pousse certains êtres à s’entretuer après l’acte, et dans la série humaine explique les crimes passionnels, Ranirina conçut la pensée de faire mourir le vazaha qu’elle aimait. Son amour démesurément grandi avait pris la teinte sombre de la haine, et, par désir exaspéré de la possession définitive, elle voulut le meurtre.

Un soir, prostrée dans une chaise en bambou, sous