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chez le Grec, de liquides variés ; il acheta, regrettant de n’en pouvoir emporter davantage, trois dames-jeannes d’un rhum très vieux de la Réunion, tel qu’il n’en avait jamais goûté dans sa longue carrière d’ivrogne. L’expédition de ces précieux colis le préoccupa bien plus que son propre transport. Il ordonna aux porteurs de marcher derrière son filanzane et de ne rester en arrière sous aucun prétexte.

A la troisième étape, il trouva son fils aîné, avec un grand nombre de ses parents et de ses sujets ; douze de ses femmes étaient aussi venues à sa rencontre. On fêta par de copieuses libations l’heureux retour du mpandzaka dans ses États. Au milieu de la nuit, il se sentit très mal, fut pris d’un fort accès de fièvre, se mit à délirer : il criait que les rats blancs venaient ronger ses pieds sous son lamba ; il ramenait sur lui ses couvertures avec le geste des moribonds. Le matin, pourtant, il fut mieux, la fièvre était tombée, mais il éprouvait une impression d’épuisement et de torpeur ; il lui semblait que ses mains et ses pieds, devenus insensibles, étaient déjà morts, qu’il ne pourrait jamais les réchauffer, que le froid remontait de ses extrémités vers son cœur. Il eut conscience de sa fin proche, ordonna qu’on fît venir dans la case ses parents, ses fidèles et ses femmes, pour entendre ses dernières volontés. Tous s’empressèrent silencieusement