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Les gens se demandaient avec curiosité qui était ce nouvel arrivant, habillé de kaki et tout poussiéreux, déjà en puissance de ramatou. Lui ne voyait rien, il ne regardait même pas Zanamanga, il éprouvait une joie physique à se sentir auprès d’elle ; une émotion indéfinissable, augmentée par la fatigue du voyage et les trépidations de l’auto, obscurcissait délicieusement sa faculté de penser. Il se sentait chez lui, il revivait sa vie normale, après avoir été dépaysé pendant huit mois sur des paquebots, ou dans des hôtels sans confort, à Paris et à Vichy. Maintenant il était revenu dans sa ville, dans la Ville Rouge aux mille cases, où les Imériniennes aux lentes caresses savent dompter et endormir le cœur lassé des hommes de l’autre hémisphère. Zanamanga babillait et de sa voix d’enfant disait des paroles insignifiantes, qui ravissaient Berlon. Il n’en écoutait pas le sens quelconque, mais seulement le son harmonieux et doux, pareil aux sons menus et frêles des valihas qui chantent dans les soirs frais de l’Imerina.

Cependant son cœur tourmenté d’hyperboréen ne savait pas se complaire longtemps dans les joies simples ; ses ancêtres brutaux et batailleurs avaient mis dans son sang des ferments de haine, de jalousie, de vaine agitation. Au lieu de se laisser vivre dans la paix rose de ce soir d’amour, près de la femme-enfant, il eut des pensées inquiètes.