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dans l’encadrement de la porte, une corbeille sur la tête ; d’un pas souple et léger elle alla jusqu’au coin de la cour où se trouvait le lôna, le mortier trapu, aux bords carrés et épais, taillé dans un seul bloc de bois, elle y versa en cascatelle crissante le riz non décortiqué, puis elle saisit le fanoutou, le lourd pilon aux extrémités renflées, et, à coups réguliers, elle commença à piler le grain. Ralahy sourit imperceptiblement : une joie familiale gonflait son cœur et l’orgueil paternel épanouissait sa figure. Il regardait avec complaisance ses deux filles et il pensait à ses fils : le plus jeune, son préféré, bourjane comme lui, amateur de kabary et coureur de femmes, était déjà deux fois père à dix-neuf ans ; l’aîné, l’homme sérieux et le richard de la famille, faisait le commerce chez les Sihanaka et à vingt et un ans possédait une belle rizière, deux cases et quelques bœufs.

Et Ralahy était heureux de sentir autour de lui se multiplier la vie de sa race, et sa propre existence aussi lui était une joie, dans la tiédeur de cette calme soirée. Il dit en souriant à sa fille Rasoua, qui le regardait, les deux mains appuyées sur l’extrémité du fanoutou :

— Mamy ny aina[1] ! La douce chose que la vie !

Rasoua, qui avait quatorze ans et des yeux puérils, répondit d’un ton grave :

  1. Proverbe malgache.