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par apathie, sans savoir pourquoi, il y resta. Le petit esclave, qui n’avait plus de parents, demeura chez lui pour le servir, et il travaillait aussi pour les gens de la case voisine, payant de cette façon leur loyer. Tant qu’il y eut des piastres, on vécut, plutôt mal que bien, puis ce fut la gêne, et, parfois, l’appréhension de la faim. Les voisins étaient bons et donnaient souvent du riz, même un peu de viande. Le petit esclave allait faire le boutou au Zouma et rapportait quelques sous. Mais, quand vint la deuxième saison froide, la résistance physique du vieux était à bout. Il se refroidit une nuit que le vent entrait en rafales par la porte disjointe de la case ; le lendemain il fut pris d’un accès bilieux. Pendant son agonie, il songeait au tombeau que le maître lui avait permis de se construire, et où son fils avait été couché. Il demanda à ses voisins de l’y porter et d’y étendre sur le lit de pierre, à l’orient, son cadavre roulé en un pauvre lamba de coton. Il pensait avec angoisse que lui et son fils s’ennuieraient tout seuls dans ce tombeau sans ancêtres et sans descendants, que jamais personne ne viendrait les y retourner solennellement à la date rituelle ; un pli d’amertume crispait sa bouche, lorsque le souffle s’envola, et les gens lui trouvèrent l’air méchant, quand ils ramenèrent le lamba sur son visage.

Ainsi mourut de misère, pour être devenu un homme libre, Ratsimba l’ancien esclave.