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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

moi-même, je voyais bien que tout me conseillait d’accepter, mais se donner à ce vieillard…

Pacha-Lourmel arriva. Il était accompagné d’un homme plus jeune que lui, sans doute de même profession et de la maîtresse du dit, une bringue maquillée abondamment qui glissait sous ses paupières alourdies des regards concupiscents sur tout.

Le dîner fut difficile à dégeler. Je m’ennuyais. On est prête à consentir au « sacrifice » pour de l’argent, et même on s’y jette dans un moment de fièvre. Mais, à méditer çà, je trouvais de minute en minute que c’était plus bête. Possible que je ne sois pas pratique et que je ne sache pas juger de telles circonstances. Enfin, il faut bien voir que j’étais intacte de corps et que je manquais absolument de sens. Je n’envisageais pas l’amour autrement que comme une corvée sans joie. Savoir que tant y trouvent un plaisir immense ne me renseignait en rien. Et certainement je ne pouvais pas compter sur Pacha-Lourmel pour me transformer en bacchante ou en Messaline. Bref, j’étais décidée en principe, mais des répugnances multiples subsistaient en moi et entraînaient malgré tout le plateau…

Après un dîner, très épicé et accompagné de vins trop alcooliques, chose que je ne vis pas sur le champ, la conversation prit au salon un tour plus vivant. On m’avait annoncée comme une étoile intellectuelle de première grandeur et je me laissai prendre au plaisir de voir trois personnes m’écouter avec admiration et déférence.

Je bus de nombreuses liqueurs, comme tout le monde, pour ne pas faillir à suivre l’opinion publique qui me rendait hommage, et vers minuit je me trouvai assez « lourde », je veux dire assez dépourvue de conscience des choses.