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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

sa vanité ne lui aurait pas permis d’aborder en société. Je suis assurée qu’il crânait ensuite avec mes opinions auprès de ses confrères des tissus.

En musique, en art et en littérature j’étais devenue le guide de ce brave homme. Un jour il me dit :

— Décidément, je suis une bête. Vous n’avez jamais été institutrice.

Un peu plus je croirais que vous êtes une jeune fille du monde…

Et il ajouta :

— Je suis veuf. Je n’ai pas d’enfants. Mais quelle femme plus jeune que moi consentirait à m’aimer un peu ?

Je m’empressai de ne pas relever cet appel.

Je fréquentai ainsi un tas de restaurants de nuit qui sont aujourd’hui disparus. De nombreux entresols, dans la rue Pigalle, avaient été transformés en abreuvoir à champagne pour les heures qui suivent la sortie des théâtres. Trois, quatre pièces en enfilade, basses de plafond, chaudes et éclairées avec luxe constituaient avec les tables et les tapis une « boîte » de nuit. On y dansait, parmi les gens de toutes nations presque toujours ivres plus qu’à demi, les souteneurs un peu chics et une profusion de jolies filles déjà blettes malgré leur jeunesse.

Je danse bien. On me connut tôt sous le nom de « La môme au pacha ».

Je m’amusais beaucoup et personne, certainement n’aurait supposé que je fusse encore vierge. À cause de mon langage relativement châtié, car je ne savais pas encore manier le verbe qu’il fallait, en ces lieux, on me supposait remplie de vices « antinaturels. »

Cela dura près de deux mois. J’avais embelli ma garde-robe grâce à Pacha-Lourmel, en faisant, comme déjà, livrer chez lui tout ce que je dési-