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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Un homme m’accosta. Il était vêtu bizarrement d’un redingote neuve, d’un pantalon de charpentier, large comme une jupe de crinoline et d’un chapeau melon enfoncé jusqu’aux oreilles.

Il me demanda de marcher à mon côté. Je lui répondis d’avoir à suivre sa route sans moi, sa société ne m’étant d’aucun agrément ni avantage possibles.

Il répartit qu’il espérait bien non seulement marcher, mais passer la nuit en ma société.

Je lui ris au nez et m’éloignai, mais il me courut après et dit qu’étant agent de la sûreté, il me donnait le choix de le suivre au plus prochain commissariat, où il dirait que je raccrochais, sinon de l’emmener chez moi.

Je repris froidement :

— Allons, Monsieur au commissariat. J’expliquerai ce que vous m’avez dit.

Il fut très embêté, mais fit semblant de prendre la bonne direction, par une voie solitaire, et de vouloir avec autorité que je le suivisse.

J’acquiesçai, le surveillant de près.

Je fus en cela bien inspirée, car subitement, dans un angle, il se précipita sur moi, mit une main sur la bouche et voulut me renverser. Je ne puis croire qu’il songeât me prendre là, en pleine rue. Je n’en ai rien su, car, comme je criais, un homme élégant, en tube, sortit d’une maison à dix pas, vit la scène, se précipita, et, d’un coup de poing mit mon agresseur en posture fâcheuse. Il eut pourtant le culot, ce bandit, de dire à mon défenseur :

— Je suis agent de la sûreté, Monsieur, et je…

Il ne termina pas, l’autre lui tomba dessus à coups de canne en criant :

— Et moi, je suis Chef de Cabinet au Ministère de l’intérieur. Sauvez vous ou je prends votre nom et demain vous êtes révoqué…