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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

— En un lieu modeste, car vous le voyez, je suis vêtue sans majesté !

Il s’écria :

— Mais je veux une maison où l’on mange bien. Je veux un dîner de luxe.

Je n’insistai pas. Ce diable d’homme tenait à ne pas se voir soupçonner de pingrerie.

Nous dînâmes près de la Madeleine et quand je fus dans ce lieu, encore qu’une certaine gêne me tint pour ma vêture lasse, je souffrais surtout à l’idée qu’un familier de mon père pouvait me reconnaître.

Je passai inaperçue. Pacha-Lourmel me reprochait de ne pas manger beaucoup. Il tenait à ce qu’on fît honneur à l’agape. Mais je lui expliquai que j’avais l’habitude des repas d’oiseau et qu’il m’était impossible de but en blanc de me conduire plus vaillamment devant les cuisines complexes qu’il avait choisies.

Nous causâmes entre le café et les liqueurs. J’avais affaire à un brave homme sentimental et bon, qui croyait m’apprendre le monde. Il espérait que la vue des milieux de bonne société me donnerait envie de m’y faire une place. Pour lui, on n’arrivait que par l’envie. Il fallait donner aux humains le goût des belles choses coûteuses et le désir de les acquérir. Alors chacun, sous ce fouet, trouverait en lui les énergies utiles et réussirait.

Au fond, ce n’était pas si bête. Mais les meilleures conceptions, primarisées dans le cerveau de ce commerçant orgueilleux, prenaient figure comique et abasourdissantes.

Après le dîner nous fûmes faire un tour en auto dans le bois.

Nous avions pris un taxi au lieu de sa limousine où l’on aurait étouffé.