Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Tous les matins à neuf heures j’arrivais. Je m’installais dans une petite pièce qui n’avait aucun rapport avec le reste de l’appartement et je répondais aux lettres reçues, j’encartais des prospectus et des brochures, je libellais des adresses pour l’expédition de ces objets. Je vivais paisible et sans souci immédiat, sauf de mes chaussures, de mon linge et bientôt de mes vêtements.

J’allais à midi déjeuner près de la Ménagère dans un vaste restaurant hâtif et anonyme où nul ne s’occupait de son voisin. Je sortais à six heures et me promenais au hasard, puis je rentrais enfin après un dîner succinct.

Tsarskaia me comblait de compliments sur mon travail. Il paraît que Jean le Jove ne faisait pas la moitié de ce que j’arrivais à accomplir. J’oubliais ma vie antérieure et si je parvenais à passer quelques mois ici, je pensais que « les circonstances » finiraient bien par me servir. Je n’aurais d’ailleurs pas su expliquer le sens de cette formule. C’était pour moi celle de l’espoir.

Un après-midi, Tsarskaia s’absenta.

Cela lui arrivait parfois, mais sans que j’eusse jusqu’ici à m’en occuper. Il y avait, en effet, une chambrière experte, en ces circonstances, à recevoir ou éconduire les clients. Elle était, par malheur, partie de la veille en son pays. J’eus ordre d’avoir à la remplacer pour refuser l’accès à qui ne disposait pas d’une carte spéciale que Tsarskaia donnait à ses « bons clients », et introduire, puis faire patienter les autres. L’absence de la sorcière ne durait jamais plus d’une heure. Il me fallut donc, malgré ma répugnance, faire là une besogne éminemment servile. Un homme se présenta, âgé, corpulent et bien vêtu. Il me montra le carton sésame. Je le menai donc dans un petit salon d’attente isolé. J’avais à en laisser la porte ouverte