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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

sur vous, c’est tout le bout du monde. Eh bien, moi je puis vous faire gagner votre vie…

Je la dévisageai avec intérêt. Ce n’était pas bête ce qu’elle me disait là.

Ma situation ne devait pas être affichée si clairement sur ma figure que n’importe qui put le lire. Mais que voulait-elle me proposer ? Je songeai : C’est une entremetteuse. Elle veut me mener à des vieux types amateurs de jeunesses pas défraîchies. Je ne marche pas !

Car si, intellectuellement, j’acceptais de me vendre. Il y avait un dégoût physique, et un sentiment d’avilissement dans les images que m’évoquait l’idée d’un abandon salarié. Se vendre, mais comment pourtant ? Si je me décide, il faut bien sauter le pas d’une façon ou d’une autre. Celle-là qui use d’intermédiaires est-elle pire ? Tout de même la logique me mécontentait ici…

Je répondis :

— Madame, il y a beaucoup d’exactitude dans ce que vous me dites-là.

Je suis plus riche que vous ne croyez. Mais dans l’ensemble vous avez vu vrai. Que me proposez vous ?

Elle rit avec joie :

— Je suis contente de vous voir parler ainsi. Je craignais que vous ne fassiez la pimbêche. Garçon ! les deux chartreuses ? — Où avez-vous couché cette nuit ?

— Dans un hôtel…

— À combien ?

— Vingt sous.

— Que fait votre ami ?

— Je n’ai pas d’ami…

— Pas d’ami. Ma petite, on ne tombe dans la misère, quand on est comme vous de bonne famille, que pour une question d’amour. Donc, vous avez un ami. Ou vous en avez eu un.