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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

l’homme, un peu jeune garçon à jolie figure et qui sentait de loin la parfumerie bon marché.

Ils se mirent à parler et je rêvais sans les entendre lorsque je compris qu’ils parlaient de moi.

La femme disait :

— Demande le lui…

Le « beau môme » répondait :

— Penses-tu. C’est un tapin…

— Que tu es bête, repartait-elle. Un tapin cette gosse-là ! Ah, on peut dire que moi, qui aime les types intelligents, j’ai trouvé le filon avec toi.

Le jeune homme si joliment complimenté n’en tirait nul souci. Il reprenait d’un air négligent :

— Je l’ai vue hier avec Irma.

La femme riait follement. Elle sortit de son sac à main placé sur la table quelque chose que je ne vis pas et le donna à l’adolescent.

— Tiens, petit menteur, fous le camp ! Tu me dégoûte trop !

— Donne-moi encore un talbin, pleurait-il.

— Nada. Pour que tu ailles le refiler à la Chinoise. Tu en as assez pour ton après-midi. Mets les ! Je ne veux plus te voir.

Il se levait en roulant les hanches.

— Tu ne le dis pas tout le temps…

— Non, mais je le dis quand je le pense. Allez ! Allez ! caltez !…

Il s’en alla en me faisant des yeux de poule d’eau. Hors la manche de son veston pendait à demi une pochette de soie verte, il avait des bottines vernies à tige grise et trois boutons manquaient à chacune. Derrière l’oreille gauche, une cigarette à demi consumée était placée. Il portait à chaque pas le poids du corps sur la jambe placée en avant et tanguait comme un vieux pilote. Il était à la fois comique et répugnant. Les maxillaires jouaient dans sa face ovale et mate tandis qu’une sorte de déglutition avançait régulièrement